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s’efforce discrètement de ne point porter ses regards, même respectueux, du côté de son oncle. Le Gros bon Garçon, sur sa gauche, vient d’hériter de « Patience Expérimentée ». Ayons confiance ! Attendons ! Nous verrons bien ! Il me semble qu’à ce coin de table, « Montagne Fleurie » est aux petits soins du « Chef d’Escorte », cependant que « Branche de Broussonetia », malgré son nom, n’a trouvé aucun inviteur. Il reste aussi « Pureté Indiscutable »…

Je fais signe à René Leys l’invitant à combler l’un de ces veuvages. Il répond à peine. Il s’occupe bien de cela ! Il est tout entier à tout autre chose ! À cette histoire que l’on se raconte avec vivacité (le chef d’escorte en est certainement le héros, car il mime un jeu terrible : un homme coupé en deux ! d’un revers de sabre !!) Serait-il déjà soupçonné, convaincu, disgrâcié, condamné à mourir demain ? Ce soir ? Tout de suite ? Là ?

— Non ! rassure René Leys. Le chef d’escorte, en conduisant ce matin la sortie du Grand Conseil — qui sort par « Tong-houa-men »… (la porte… vous connaissez ?) eh bien, il a vu des gens de mauvaise allure rassemblés au premier tournant, derrière le cordon des troupes… Il les a fait disperser à coups de plat de sabre, mais un de ses cavaliers est tombé de cheval sur son propre sabre, et s’est coupé en deux…

— Oh ! seulement en deux ? Vous en êtes sûr ? Et ce matin, au tournant de Tong-houa-men ? Mais j’y étais ! Je n’ai rien vu.