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policier me trouble par avance : je vais être fouillé, déshabillé, retourné jusqu’au fond de l’âme ; je vais être dénoncé, inculpé, impliqué dans des forfaits gratuits, alors que je médite tout au plus un attentat — payant — à l’impudeur !

Je voudrais retirer mon choix. Il est trop tard : j’ai tout avoué d’avance : la Belle Policière est près de moi.

Je me rassure aussitôt ; le repas se fait tout familial et reste décent, même à la chinoise, car les convives mâles mangent seuls, servis par leurs épouses temporaires. C’est fort bien ; la Policière aux Cinq Couleurs manie les bâtonnets beaucoup mieux que moi. J’aime cette répartition du travail alimentaire : j’ouvre la bouche : elle y place délicatement des objets savoureux ; je mastique et déglutis. Je bois aussi. J’ai déjà bu, je crois. Ces tasses, plus petites que les tasses pour le thé, s’emplissent d’un vin tiède, d’un vin transparent comme le vieux marc… d’un vin de roses, dit René Leys, qui en boit peu, mais me prie de boire. Je bois. J’ai déjà bu.

J’essaie de bien reconnaître les convives et leurs invitées. Le Vieil Oncle confère d’assez près avec sa « Sœur Minuscule ». Mais, — commente de loin René Leys, — « ils parlent d’affaires : il veut l’acheter comme sixième concubine, et ils ne sont pas d’accord sur le prix ».

Cette absence de sentimentalisme me dégoûte tout d’un coup. Je regarde ailleurs vers le neveu… qui