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prostituées chinoises d’aujourd’hui. On déjeune. Ils parlent entre eux, du bout des lèvres. Le plus incompréhensible de tous est René Leys, qui jette des bons mots et des allusions rapides.

Enfin, ces jeunes gens de haute famille me quittent pour aller « à leurs affaires », s’excusant fort d’avoir interrompu les miennes.

Entre ce déjeuner et la nuit qui se prépare, rien de mieux que m’en aller longuement contempler toute la ville de son point le plus haut. Je vais donc gagner le nord, et monter à l’ancestrale tour de la cloche, le « Tchong-leou », douairière mongole de tous les monuments… Du haut de sa terrasse crénelée de blanc, je verrai, droit au sud, le volumineux Kou Leou, « Tour du Tambour », la Montagne de la Contemplation, le Palais distant et clos, les murailles de la Cité Tartare, limites catégoriques à coins droits… Et, plus loin que le sud, le rectangle difforme de la « Ville Chinoise », couchée comme une vache de trait au pied de la Cité conquérante… D’un coup d’œil de fondateur, je tracerai dans la campagne environnante l’immense quadrilatère, la ville extérieure (dont la chinoise n’est que le faubourg sud), la conception monumentaire totale que le Grand Empereur rêva « qui régna voici quatre cents années, durant la période Yong-Lo », trop courte à l’accomplissement de son mur ! Dans ces limites, fictives ou debout, je sais que du haut de la Tour je verrai s’étendre la Capitale du Nord, mosaïque