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En effet, quand un être comme René Leys en dépeint un autre sous les couleurs et dans les contours animiques du Portrait que je viens d’écrire sous ces mots, — ces êtres ne peuvent que se détester ou s’aimer, jusqu’à la détresse ou la passion. René Leys aimait donc d’une jeune amitié cet Empereur jeune et dolent, cet abandonné…

Et lui-même est très jeune et dolent dès qu’on ne le voit plus en pleine action physique. Mais alors comment L’a-t-il connu ?

— Dites-moi, comment l’avez-vous connu, votre ami… Comment êtes-vous entré pour la première fois au Palais ? Qui vous a introduit au Palais ?

Je n’ai pas conscience de mon indiscrétion : aucun aveu ne serait trop grave pour le respect dont je l’accueillerais. Si l’on a bien entendu ce qui précède, rien ne saurait être déplacé ?…

… si ce n’est le ton sec et tout à coup fermé avec lequel Leys me ferme la bouche :

— Comment j’y suis entré ? Ah ! c’est mon affaire !

Entendu. Je n’insiste pas. Je me retiens avec peine de l’envoyer… se coucher pour tout de bon. Croit-il que je veuille m’emparer de sa recette ? Je vais donc me retirer, quand on frappe au portail, — une main chinoise secoue en guise de marteau les loquets de cuivre pendeloques…

Mon portier ne se réveille pas. René Leys est, bien avant moi, debout, et, à travers les vantaux, parlemente. J’arrive : il a ouvert.