— Je ne peux pas l’accompagner.
Pourquoi ? Évidemment, il a sa chaire à l’École des Nobles, sa « situâtion » ! Ce bon élève de seconde moderne tient ici la place de quelques agrégés.
Il devine :
— Non ! ce n’est pas mon poste de Professeur. Mais c’est mon père, qui ne veut pas que je l’accompagne.
Il me semble avoir raison, ce père-là ! Mais la figure du fils a l’air de lui reprocher tout autre chose. À travers beaucoup de réticences (timidité peut-être… ? — oui, car il s’exprime ensuite plus à son aise) j’apprends des dessous de boutique auxquels j’étais loin de m’attendre : le père épicier fait argent de tout ; veut céder local, meubles et immeuble, et le reste ; et enverra bel et bien son fils coucher où il voudra. Ce père ingrat, ce marchand « économe » aurait même ajouté : « Ton chinois va te servir à quelque chose ! Tu vas pouvoir louer un ya-men dans la ville tartare, et y recevoir tes amis ! »
— Vous avez donc des « amis » chinois ?
René Leys, rougissant à l’improviste, avoue :
— Ce n’est pas ça qui m’ennuie ! Mais, que voulez-vous, je n’ai jamais habité seul.
Je le regarde. C’est vrai : il a dix-sept ou dix-huit ans d’âge réel. Une figure et des yeux plus… anciens… indéfinissables.
— Ah ! vous n’avez jamais habité seul ?