Page:Segalen - René Leys.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un rappel, même maladroit, des belles choses de la Chine au milieu desquelles on vit bon gré mal gré partout ici.

Cependant… ces deux vasques de porcelaine, exilées, déposées comme une ordure à la porte d’entrée… Voilà du « Chine », et fort acceptable, bien que neuf (car ils portent le cartouche où je reconnais le sceau du four impérial « grande dynastie Ts’ing, période Kouang-Siu » sur un fond jaune où nagent des Dragons). — Que font ici ces transfuges du Dedans ! ici, à l’entrée de cette auge à mélasse, à l’orée de la conserve et de l’épicerie ?

— Oui, dit mon Professeur, qui, me reconduisant, a suivi mon regard qui s’attarde, et répond à mon étonnement, — oui, ils en viennent.

Et, daignant user pour la première fois du chinois, en dehors de ses heures payées :

— Ils viennent du Palais, du Ta-Neï.

Et il me reconduit jusqu’au trottoir, tête nue, s’inclinant à chaque pas, et, dans le même style :

— Pardonnez-moi de ne pas aller plus loin.

Me retournant pour le saluer à la chinoise, j’aperçois, au-dessus de sa tête, s’illuminer la raison sociale et le nom paternels : « Import and Export Leys & C°. »

C’est vrai. Il s’appelle « Leys », et même, je me souviens maintenant de son petit nom de « René ».

C’est bien cela. Mon Professeur se nomme « René Leys ».