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est uniforme sur un millier de grandes allongées.

Je remets au pas, tourne à l’est, et franchis la Porte. Me voici dans la Ville Impériale, l’habitat maintenant ouvert à tous les premiers conquérants… mais proche, sans autre chose qu’un dernier mur interposé, du Palais, du Dedans, du Milieu. Précisément, par-dessus ce mur, de grandes choses grises et jaunes et bleues dépassent de nouveau le faîte et souffrent d’être vues : des crêtes de temples, des Palais à deux étages, et le gros bulbe ventru de la « Tour Blanche » qui impose ici sa panse empruntée, son corps de « Stupa » bouddhique, sa personnalité hindoue… Assez jeune ! Auprès des quatre mille ans d’Âges chinois et de culte authentique du « Ciel », la piété qui la gonfle apparaît vraiment comme sa forme, un peu… « art nouveau ».

Et puis, elle m’irrite. C’est une étrangère au Palais. Bien pis ! c’est une infidèle ! Et sa place n’est pas là ! Retourné sur ma selle, sans la perdre de vue, je contourne la longue sinuosité de murailles dont elle fait le centre… Je laisse aller le pas… La route est libre, et d’ailleurs, je suis seul Européen. Les brouettes chinoises s’écarteront.

La Tour Blanche a disparu. Je rassemble mon cheval, qui pointe : à dix pas devant nous, il y a un autre cavalier, et Européen, — en difficultés avec sa monture. Au beau milieu de la route, — qui est pourtant libre, — il piétine des quatre sabots. Son cheval est assez vif, mais je n’aperçois rien qui l’effraie…