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république, dans ce ciel révolutionnaire… ne peut s’oublier. Son boy, plus blême que lui, — craindrait-il qu’on l’accusât de quelque chose ? — pleurait comme un chien sentimental. — La maison était ouverte et sans aucune garde. Le boy devait savoir à quoi s’en tenir, car il n’a pas imploré mon savoir Européen pour guérir son maître, et il semble lui avoir épargné les habituels remèdes chinois de la dernière heure… pointes enfoncées un peu partout…

Le visage de René Leys était exactement celui de ses grandes syncopes… dont celle-ci est la quatrième : un beau visage fixé, reposé, qui a fini de se tendre vers le but en action, quel que soit le but ; — les yeux étaient grand ouverts, avec, plus que jamais, et pour toujours, cet étrange envahissement de tout l’iris par le sombre de la prunelle… Je n’ai pas fermé ces yeux qui jouaient leur rôle charmeur jusqu’au bout dans le charme indécomposable de ce visage. — Je l’ai déshabillé pour me rendre compte, avant que les médecins n’interviennent, de la cause de sa mort : René Leys est véritablement « mort empoisonné », puisque je n’ai trouvé aucune trace de blessure… Le dessin de son corps m’a surpris : tant de force en tant de souplesse ! une parfaite élégance symétrique… à suivre le contour de ses reins et de ses cuisses, j’ai compris comment il se liait à son cheval fou, et le geste même détendu de ses bras m’a fait voir comment il aurait dompté