Page:Segalen - René Leys.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je relève la tête. Le regard du nouveau marié reluit d’honnêteté satisfaite. Mille excuses, d’avoir songé à du proxénétisme… Je termine :

— Vous en épousez une seule ?

— Une d’abord, une femme en titre. Les autres ne seront que mes concubines.

Je ne sais trop s’il faut absoudre ou envier, féliciter… Il explique :

— C’était indispensable pour ma situation de « fonctionnaire » et surtout mes contrats d’entreprises…

Voilà qui m’en impose. Qui sait ! le voisin me paraît être en bonne voie dans la pénétration chinoise. Il ira loin ! Il doit connaître déjà bien des accès… Je lui…

On frappe. C’est l’heure belge de la leçon. Le boy introduit tout naturellement et tout droit l’arrivant, puis demande après coup si le « Professeur étranger » peut entrer. Naturellement ! — Rien n’est plus simple que de présenter au passage… Monsieur… — Tiens, j’ai omis de me souvenir du nom exact de… « mon petit Belge » — son nom de famille, voyons ! son nom d’épicier !… J’escamote et je conclus : « Professeur à l’École des Nobles ». Puis, relisant à la dérobée le verso européen de la carte de l’autre : — … et Monsieur… Monsieur Jarignoux, fonctionnaire au Ministère des Communications.

Et je vois deux personnages bien différents ! — Malgré ses origines, le jeune Belge est mince et brun, d’une étrange peau mate, et il daigne à peine ouvrir