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je ne comprends plus rien aux histoires que tu me racontes ; je n’en crois plus un mot ; et au lieu de m’en plaindre à Jarignoux qui s’est plaint à moi de t’avoir prêté… cinq francs, je préfère te parler carrément… cette nuit où nous avons désormais tout notre temps libre…

— Bien. Parlons…

— Il commence à faire chaud et lourd dans la maison. Sortons. Nous serons plus libres dehors.

Il est debout… Il me précède. Je l’arrête :

— Et si tout à fait par hasard Elle venait et ne trouvait personne ?

— Qui ça ?

— Elle ?

Il dit avec un grand soupir mécanique :

— C’est fini maintenant !

Nous allons dans la ruelle, sous la fraîche douche de lune, pluie éblouissante dans le Ciel lucide du Pei-king d’hiver. C’est un clair pénétrant. Des ombres violettes. « On lirait un journal cette nuit… » Va-t-on lire des choses moins imprimées ? moins quotidiennes ? Cette lumière fouille les recoins et bleuit jusqu’aux tas d’ordures… Va-t-on voir des joyaux que le grand soleil ou l’ombre n’ont pas encore décelés ?

Mais qu’il fait froid ! René Leys n’a point songé, dans sa hâte à sortir, qu’on ne sort plus sans fourrure. Il tremble dans un pardessus mince. Et la lumière est spécialement blême sur son visage. On ne voit plus que ses yeux agrandis que cette lumière ne