Page:Segalen - René Leys.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.

événement palpable que je toucherai de mes doigts, la plaie même, à travers sa poitrine et son cœur, où je mettrai le doigt. Mieux que le battement de la Cloche de Fer, j’écoute le tintement de garde de ma sonnette… l’arrivée du léger mouchoir de soie jaune… avant le coup de la Troisième veille.

La Troisième veille a frappé, là-bas. Et il me semble n’avoir rien entendu, lui, pourtant si près de moi. — Est-ce à moi à le mettre sur ses gardes ?

Aucun message n’a paru. Aucun tintement à ma porte. Aucun pas dans la ruelle dont le sol gelé serait un bon avertisseur… Il paraît écouter au dehors, puis se remet à parler. Il raconte à merveille, comme en ses meilleurs jours… Mais pour la première fois, aucun désir de noter, ni même de retenir ce qu’il me dit.

Les heures chinoises étant doubles des nôtres, un peu énervé, j’attends le coup de la veille Quatrième ; bien que non précédée du mouchoir, elle viendra, puisqu’il est ici, et qu’il ne marque aucun mouvement pour la joindre en cette nuit que j’ai décidée : tragique. D’ici là, qu’il parle encore ; j’ausculte, dans le silence plus grand que ses paroles, la sourde et claire nuit d’hiver, j’épie plus loin que sa voix le coup de la cloche qui me dise mécaniquement, péremptoirement, si ce soir Elle est fidèle ou non ; si lui, que j’ai appelé mon ami, est digne d’amitié, oui ou non…