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changé ». Il n’était pas assez ivre. Comme je l’étais, moi, par principe !

Comme je le suis encore, par fonction. Car tout ceci ressemble bel et bien à un enrôlement… dans sa police secrète. J’ai déjà fouillé le terrain. Je me fouille à mon tour. Je me retourne les poches du cœur. Est-ce par curiosité ? Par ivresse de savoir davantage ? Ou peut-être, et plus noblement, par amitié pour ce garçon brave qui, soudain et pour la première fois devant moi, a eu peur, vraiment peur, à propos d’un puits ! Là même il n’a pas été ridicule.

Mieux : c’est par désir de savoir ce qu’il est enfin, lui (et peut-être lui-même ne le sait-il pas encore !). Sa fortune est extraordinaire. S’il tient bon, un an de plus, et si j’ai le bonheur (fortuit également) de le tirer de quelque mauvais… puits, la mienne n’est pas loin d’être comblée : il me présente comme son meilleur ami à Celle… (le reste est affaire au Protocole)… Alors je saurai ce qu’il me plaît de savoir. Alors vivrai-je ce que je veux vivre. Ce sont là mes gages policiers, mes récompenses, mes triomphales vestes jaunes, à moi !

Voilà bien de quoi m’enivrer pour tout de bon. Et maintenant, le sommeil pesant d’honneurs a bien quelques droits, lui aussi !