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seuils formés d’une planche de la maison chinoise, mais encadrés de deux montants de la largeur d’un homme nu. Mon cheval a passé ; mes genoux aussi. Cet obstacle était précédé de quatre marches raides qu’il a fallu monter sabot après sabot… Mon cheval a monté ponctuellement, comme un âne de cirque. Je dois, à ma honte chinoise, avouer que c’est au Temple même de l’Agriculture qu’il l’a appris : mais le vénérable paysan, gardien des neuf marches impériales, riait d’aise, sous le pourboire à peine reçu… Ce jour-là aussi, je devais être un peu ivre, comme il le fallait bien aujourd’hui.

C’est dans cette attitude d’ébriété à la fois supposée et acquise que j’explorai ce faubourg interlope de Ts’ien-men-waï avec tous ses carrefours ambigus et ses venelles particulièrement pékinoises, ces « hou-tong » à deux issues et d’autres en cul-de-sac, que plus décemment le chinois de Pei-king dénomme : venelles « mortes »… Mortes ! C’est évident : elles doivent toutes aboutir à un puits. Mauvaise impression !

Comme s’il comprenait la chose, mon cheval sage s’est tout d’un coup mis à prendre des peurs inconsidérées. Ainsi, je n’ai pas pu le décider à franchir à reculons cet obstacle infime, — une planche ! — qu’il venait de passer avec ses deux pieds de devant puis avec ses deux pieds de croupe… Il ignore évidemment les grands principes Taoïstes que « tout peut se tourner bout pour bout, rien ne sera