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5 octobre 1911. — En effet ; je connais assez bien ce quartier ; mais j’ai eu l’envie soudaine d’y aller faire une re-connaissance. Il faut être sûr de ses puits et de ses échappées. J’ai pris le plus sage de mes chevaux. Sous couvert de plaisanterie à l’Européenne, j’entrerai tout monté dans les auberges et les maisons de jeux…

Et je dessine maintenant, de mémoire, la marche du cavalier — du cavalier un peu ivre de vin de roses — sur le quadrillé compliqué et souvent très déformé qui n’obéit point, comme les belles avenues de la Ville Tartare, au grand échiquier cardinal, Nord, Sud, Est et Occident… J’ai feint d’être ivre, par habileté policière… Tout Européen est admis partout, s’il paie bien. On lui reconnaît le devoir d’intriguer ; il a droit à toutes les sympathies, les plus accueillantes… Je fus partout bien accueilli.

Au reste, afin de mieux jouer le jeu, je me suis véritablement enivré de vin… de vin de roses… ce qui permet toutes les licences, même poétiques. Je dois avouer ne pas en avoir connu d’autres… J’ai lancé mon cheval, tête basse et reniflant, sur des obstacles moins élevés que vraiment étriqués ; les