Page:Segalen - René Leys.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

…de dire, ou de faire… quoi ? Je n’en sais rien.

À tout hasard je m’agrippe à cette chance et je m’en prends avec une désespérante énergie à ce vocabulaire « Kouan-houa ». On dit communément qu’il faut s’y consacrer de l’enfance à la vieillesse avant de pouvoir écrire et composer comme un bachelier provincial ; c’est possible. De fait, cela se profère avec facilité. J’ai conscience de mes prouesses. — Je parlote, je parle, — je dis déjà n’importe quoi. Je ne sais qui je dois féliciter : de moi, de la langue, ou de mon professeur ? Contre toute logique, en pleine Chine, j’ai choisi pour magister un étranger, un Barbare non lettré, et, qui mieux est, un jeune Belge ! Son étonnante facilité à tout apprendre, et peut-être à tout enseigner, m’a beaucoup plu. Officiellement, il tient, à l’École des Nobles, un cours « d’Économie Politique ». Partout ailleurs ceci m’inquiéterait… Mais il est convenu que pour mieux nous entendre nous ne parlerons que Chinois.

Mon professeur s’étonnerait fort du but véritable de mes entretiens avec lui. C’est le bon fils d’un excellent épicier du quartier des Légations. Je ne l’ai point connu près des balances paternelles. Mais il parle avec un tel respect de son père, du commerce, de la famille, des « économies », des domestiques, des voitures, des chevaux, et des principes de son père, — qu’il est manifeste qu’il croit impossible de mener à Pei-king une autre vie honorable