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Donc je compose et recopie avec grand soin sur papier filigrané de fleurs pâles, transparentes et indiscrètes, le poème suivant :

« Le jour nocturne où la Phénix-femelle reçut dans son nid le fils de l’Aigle Étranger,

« Qui des deux a tressailli d’amour ou d’ignorance ? La Phénix ayant par devers elle une déjà longue existence, sait tout, — et bien des choses encore.

« Mais le fils de l’Aigle veuf vient à peine d’ouvrir ses ailes : il bat à coups précipités ; il succombe.

« Lequel des deux ouvrira pour l’autre le sein bienheureux ? Si ce n’est, elle-même, la Phénix éternelle, maternelle,

« Qui l’accueille, qui le garde, qui le reçoit comme un hôte dont on précède, dont on provoque tous les pas ! »

J’aurais beaucoup aimé écrire d’un seul jet de pinceau ancien, en style coulé dans le bronze des vieux caractères « Tchouan », ce petit poème que j’ose affirmer « de circonstance ». Je dois me contenter de le retraduire en français, d’un chinois qui ne fut pas. — Je m’abstiens de le commenter, — il me paraît assez clair, — et l’expédie par la poste à l’adresse de M. René Leys, Professeur à l’École des Nobles.

S’il comprend, il me répondra. Ceci n’est pas très insultant : j’ai mué, par licence permise, le fils d’un épicier en aiglon !