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pour s’incliner. En lui prenant le poignet au passage comme pour l’avertir, j’ai senti qu’il cachait une arme. Quant à raconter la chose au Régent ?… oh ! personne ne voulait s’en charger. Il a bien fallu que j’y aille…

C’est donc lui. C’est vraiment lui. Mais, le Régent ?

— Quand il m’a vu, en dehors de l’heure habituelle, il s’est douté… il est devenu vert. J’ai dit : « Ça n’a aucune importance, c’est fini. » Il m’a regardé. Je crois qu’il n’osait pas demander ce qui était fini. Il a compris que j’étais intervenu, et m’a serré la main.

— Comment, le Régent vous remerciait comme aurait fait Sadi-Carnot ! Il sait donc donner une poignée de main ?

— Je veux dire qu’il m’a serré le pouce, rectifie René Leys. Je lui avais appris pourtant à donner une poignée de main. Mais il oublie toujours quatre doigts.

C’est bien ça. Je sais ce qu’il me plaisait de savoir. Je tiens la main du Régent dans la mienne, ou plutôt hors de la mienne. J’ai la face du Régent devant moi. Cet homme, gonflé d’importance imposée, officielle… je n’ai rien à savoir de plus. J’ai vécu vraiment, un instant, de la vie la plus intime du Palais.

Ce René Leys ! quel merveilleux metteur en scène ! Mieux : quel homme de théâtre ! Quel acteur ! Ce qu’il a joué n’est pas loin du dénouement le plus