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Il dit comme en écho de mes paroles :

— Après la bombe, le poignard. Vous ne pouviez croire si bien dire. C’est arrivé voici deux jours… C’est… la véritable raison de mon absence… J’ai juré de ne pas en parler…

Il attend l’effet, sur moi, de ces mots. Moi, j’attends simplement la suite de ces mots.

— … sauf à des amis sûrs et qui m’aideraient au besoin.

Un ami… sûr ! J’exprimai déjà la décision d’être un ami pour lui. — Et je suis sûr de moi, par principe (ou la vie serait impossible !). Quant à l’aider au besoin, — pourquoi pas ?

Il semble que mon silence lui suffise, comme un aveu discret d’enrôlement.

— Maintenant, je puis vous le dire. Il y a longtemps qu’ « ils » préparaient ça. Je n’eus la certitude que vingt heures avant… Enfin, c’est passé !

Et il soupire ; s’arrête ; reprend ; parle parfois très bas. Quel minutieux et logique récit ! C’est vraiment d’une belle maîtrise policière : la jeune vierge de Ts’ien-men-waï, persistant à se refuser toujours, par ordre, au deuxième fils du Prince Ts’i, cet amant en expectative d’emploi multipliait les promesses : lingots d’argent fin, perles mortes, corail faux, nécessaire à toilette Européen en métal Anglo-exportation, — enfin voiture Franco-Pékinoise à 4 roues et à ressorts, toute attelée, signée du carrossier-maquignon bien connu. Rien n’y faisait.