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il peut danser ! L’Homme Rouge, un peu surpris, lutte avec un double à-propos.

Vient ensuite une boule vivante et ramassée, sans tête ni bras, qui se défend et se sauve en roulant sur son ventre total. Ensuite, un monstre élastique dont les bras, le tronc, les jambes se dilatent pour frapper, ou se ravalent pour éviter les coups. Puis, un monstre à tête de tortue, cuirassée d’écailles ; un autre qui figure un coquillage marin ; puis une roue inhumaine lancée sur les rais de ses bras et jambes multipliés par la vitesse… Enfin, le Géant Bonasse qui va tout écraser, car il est deux fois gros comme les autres…

L’Homme Rouge prend son élan ; et, d’un formidable coup vertical, le tranche en deux du crâne à l’entrejambe. Et je vois, je vois les deux moitiés gigantesques se séparer, clivées par une coupe abominablement moelleuse, sanglante et blanche ! — et partir en guerre, chacune de son côté, contre le Héros Rouge, qui, de deux sabres, les bras en croix, tient en respect le monstre divisé… qui s’en va, comme les autres…

Je vais enfin respirer… Non. L’Homme Rouge, resté maître de la scène, n’ayant rien de plus à pourfendre, regarde autour de lui, défiant le vide, en proie tout d’un coup à une peur extrême…

Il est épuisé. Assis par terre, le torse penché, jambes écartées, il regarde et il a peur. Si l’on pouvait savoir de quoi ! Il a grand’peur. Il ne lutte