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dant les tables de thé, lançant à dix mains tendues des serviettes chaudes qu’on attrape et qu’on renvoie au vol, après essuyage de la sueur, d’un geste élégant comme un coup d’aile ou d’éventail.

Tout ceci, plus amusant que la scène encombrée de coolies machinistes, de chaises qui figureront des montagnes, de tentures du plus beau rouge de Chine qui seront des lits de justice, ou de rouges autels conjugaux… Le grand tumulte du gong et le sifflement acide ou azuré du violon à deux cordes enveloppent heureusement toute la scène de paillettes sonores et d’un ruissellement continu. Cependant, ce personnage, qui est là, depuis une demi-heure, pleurant dans sa barbe blanche avec de grands ports de voix, — une voix cassée de vieillard qui aurait connu Confucius à l’école Primaire ! — celui-là m’ennuie…

— Vous ne le reconnaissez pas ? souffle René Leys. C’est le neveu du Prince Lang !

Pas possible ! Et pourtant : ces sourcils et cet arc des yeux… Un bon travesti. C’est lui. Comment son oncle lui permet-il de monter sur les planches ? Je croyais que c’était en Chine l’avant-dernier des métiers, préparant d’ailleurs au dernier qui est…

René Leys m’arrête d’un rougissement.

— Non ! les chanteurs ordinaires, c’est possible ; mais il s’habitue à la scène pour pouvoir chanter dans le Palais, où c’est tout à fait à la mode, pour les Princes qui veulent s’amuser, et y entrer… Et