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que j’ai reçues aujourd’hui. J’peux pas admettre que mon père veuille se remarier !

Oh ! je m’en remets encore moins, d’une secousse telle ! Cette nuit de confidence et d’orage, cette nuit d’obscure beauté où ce jeune homme m’avoue enfin ce qu’il est… où je devine ce qu’il deviendra… ces projets, cette crise, tout cela conclu par un faire-part dramatique de remariage paternel ! Je ne sais plus…, il doit être bien fatigué de ses larmes ! Quant à la personne d’où vient pour le Régent ce danger jusqu’ici assez anonyme, — je me donne congé d’y penser, puisque lui-même, qui s’en préoccupe, y mélange des bigamies posthumes d’épicier !

Et pourtant je voudrais bien savoir lequel des deux a déclenché à point cette crise. Lui, a été vraiment épouvanté de ce que j’ai dit. Remettons-en l’exégèse à plus tard. Pour aujourd’hui, ou plutôt à l’heure de cette nuit, il dort.

Je le fais très doucement porter dans son lit.

Et j’attends, livré à moi seul, que les nuages, électrisés et chargés d’eau, crèvent enfin, et forment crise — résolvant de leurs pleurs souverains l’angoisse toute intellectuelle qui se gonfle de cet objet : lui, — ce qu’il dit, — ce qu’il paraît être, — ce qu’il est ?

J’attends un long temps. Les gros nuages ne crèvent pas. Aucune éclaircie là-haut. En moi, aucune détente ?…