Page:Segalen - Peintures, 1918.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cela est plus vieux et fondamental que le continent solide : c’est la dormeuse, la pleureuse, la volubile mer dont on va dire le nom — (que tant de voyageurs ignorent)… Mais, ni la mer du Golfe où trois journées mènent d’un cap jusqu’à l’autre ; ni les eaux chaudes où les poissons filent comme des flèches et battent de leurs ailes libellules… Ni la Glacée, qui porte durant les mois d’hiver. — Celle-ci n’est pas froide et n’est pas chaude ; tiède juste au degré des larmes et de la pluie d’orage. Elle n’est point ici ou là. On la connaît tout d’un coup, devant soi, quand on espérait l’avoir fuie. C’est la mer de la Grande Nostalgie.

Ne lancez point au hasard la jonque, même éprouvée, où naviguent vos yeux. — Il vous plaît de vous y jeter… Réfléchissez, et répondez.

Avant tout, avez-vous tué en vous le regret innombrable comme les poissons vibrants ? — (Voilà ce passager qu’elle ne peut souffrir.) Avez-vous obtenu de vous l’oubli de vos fem-