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Et près d’eux, issues comme eux du chaud et du soleil, se courbent les palmes trop mûres, épuisées, pourries de beaux jus fermentés dans la sève ; des fleurs grandes comme des visages aux oreilles battantes ; des brassées de racines d’un goût soporifique. Parmi ce déroulé qui, passant de votre gauche à votre droite, alourdit cette main et allège l’autre, se glisse un troupeau de femmes appelant leurs mâles, — occupés à bien d’autres jeux ! Pourtant, elles vont libres, sincères comme des fruits réclamant les bouches, couvertes seulement jusqu’aux seins, le dos et les reins tout nus, les désirs au vent. Elles n’attirent point d’autres regards que les vôtres. À peine dignes de marcher dans ce défilé d’hommage, à peine peut-on les dire femmes au regard de la moindre serve aux antichambres du Palais. Justement la route est longue jusqu’au lieu du Maître Unique. Elles seront épuisées et vieillies avant de souiller de leurs ébats le congrès cérémonieux du Prince agréant ses concubines.

Elles se cachent deux par deux sous les fourrés étouffants.