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prier les procédés agressifs de M. Max Nordau à l’endroit des corrélations sensorielles, chères aux symbolistes et décadents ; de les étendre, ces procédés, en toute rigueur, aux figures de style honorées des Gréco-Latins ; de montrer comment, à chacun de leurs termes correspond, en pathologie mentale, une donnée morbide, une tare, un symptôme de déchéance ; de dresser, à côté des listes pompeuses héritées des archaïques grammairiens, un état symétrique de leurs Équivalents Morbides.

La démonstration par l’absurde a parfois son utilité. Nous dirions alors :

À la Prosopopée, à l’Apostrophe, par lesquelles on prête vie aux absents, aux morts, aux êtres inanimés, répond, en le monde des « Idées-malades », les Hallucinations visuelles et auditives, les « personnifications de toutes sortes ».

L’Onomatopée n’est pas d’une signification atavique moins redoutable. La régression est flagrante : « L’onomatopée commença la parole et l’hiéroglyphe l’écriture, » dit Fée (Larousse). Les voix d’une foule d’animaux étaient exprimées en latin[1] par des Onomatopées distinctives qui nous manquent absolument. Ce n’est plus au phonétisme d’une huître que nous revenons, dirait cette fois M. Nordau, puisque le siphon récepteur déjà nommé est incapable d’émettre des sons, mais à la psychologie du « grillon qui grésillonne ou de la grenouille qui coasse ». Ce n’est pas beaucoup plus rassurant. Virgile n’a pas compris de quelle rétrocession atavique il faisait preuve en écrivant :

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum.

D’ailleurs l’Énéide renfermerait, à ce tarif, bien d’autres stigmates :

  1. Et plus encore en annamite ou en chinois (Dr  Louis Laurent).