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la perfection humaine au bas niveau de la Pholade, et proclamer comme un progrès le retour de la conscience humaine à celle d’une huître[1]. »

Or, ce retour atavique est précisément pour M. Max Nordau une « particularité de la dégénérescence ». Le voilà fixé sur les symbolistes et le « cas Wagner », comme disait Nietzsche ; une fois de plus, il peut clamer prophétiquement : dégénérescence des dégénérescences, et tout est dégénérescence !…

Nous devons nous demander ce que répond l’impartial examen des faits acquis — d’une part — des notions de biologie évolutive — de l’autre.

Il ne semble pas, tout d’abord, que les observateurs aient été frappés par l’allure morbide des faits de synesthésie. Le Dr  Breton constate l’audition colorée chez une « femme de 24 ans, bien portante, intelligente, ne présentant aucune tare[2] ». « Dans les diverses observations que nous signalerons, affirme Destouches[3] — l’état névropathique des sujets a été soigneusement noté. Tous, ou presque tous, ne présentaient aucune anomalie, soit dans l’appareil visuel, soit du côté de l’idéation. » La sensibilité colorée, recherchée jusqu’ici chez des Hystériques, « peut-elle exister normalement en dehors de tout état pathologique ? Nous en sommes convaincus — répond le Dr  Le Dantec[4] — sans pouvoir cependant apporter une preuve probante à notre assertion. »

Certes, il est possible de les observer, ces phénomènes, coïncidant avec d’avérées déchéances : « Un malade de Legrain s’attachait à connaître le

  1. Ibid., tome I, pp. 245 à 255.
  2. Journal des Praticiens, 1er  mai 1897.
  3. Destouches, op. cit., p. 16.
  4. Arch. Med. Nav., 1893, p. 95.