Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les yeux emplis de soleil, il ne vit rien, d’abord, que le grand arc sombre enveloppant des profondeurs basses perdues au loin dans une nuit. Il frissonna quand l’eau, plus froide que celle des torrents, lui mordit les pieds. Ses yeux raffermis discernaient lentement des formes dans l’ombre : des rochers ; d’autres encore, plus lointains, et, vers l’extrême reculée de la grotte, un pli obscur où la muraille allait rejoindre la face de l’eau. Autour de lui claquaient toujours les gouttelettes répétées, régulières, qui suintaient de la voûte. La colline, chargée d’eau, suait par toute son assise, et son flux mystérieux, disaient les prêtres, balançait les gonflements du lac Vaïhiria, perdu très haut dans sa coupe de montagnes… — « Reste-là », cria une voix.

Térii aperçut parmi des rocs dont les contours figuraient un homme, un homme qui s’efforçait à imiter ces rocs, par son immobilité. On eût dit l’image droite et dure d’un tii taillé dans la montagne. Et il se souvint : la grotte Mara faisait la demeure de Tino l’inspiré ; et celui-ci, pour la rendre inaccessible, répandait de terrifiants discours. Tino avait sans doute abandonné la fête avant que survînt la nuit de l’aube, et, sitôt passé le souffle du dieu, ressaisi l’asile terrestre.

— « Que fais-tu, toi ? » hasarda le voyageur.

L’autre ne parut point entendre, ni bouger, ni parler même. Cependant, on répondit :