gens du rivage Taütira, parés de couronnes, la figure peinte, le corps enroulé de fines étoffes longuement battues, lançaient des cris et s’agitaient. Durant vingt nuits ils avaient redit avec soin chaque part de leur chant. Les femmes, au milieu des groupes, jetaient un appel prolongé, perdu, qui retombait sur les mugissements des hommes. Ceux-ci entrechoquaient d’un battement égal de petits cailloux cliquetants, et ils cadençaient leurs soubresauts. Les voix montaient avec charme sur des contours habilement apprêtés, et les paroles, enjolivées de beaux sons étendus, s’improvisaient, comme il convient, au hasard des lèvres.
Or, les Nuú-Hiviens scrupuleux redoutaient à mélanger leurs chants aux ébats du peuple en liesse. La joie pérennelle de la terre Tahiti leur pesait ; surtout lorsque le kava, aiguisant les esprits, réveillait en eux le respect des atua et du culte. Alors ils se remémoraient les Dires impérissables, et si réservés que l’homme mort Pukéhé avait dû reparaître tout exprès pour les enseigner aux autres hommes. Alors tressaillaient leurs appétits guerriers. Ils attendaient, au retour dans leurs îles, ces festins héroïques où il importe de mâcher le cœur de l’ennemi le plus audacieux. On les vit se retirer dans la montagne. Et bientôt, de leur repaire, descendit un murmure qui s’enflait, se perdait, puis se gonflait de petites clameurs, enrouées d’abord, débonnaires, satisfaites et menaçantes enfin : les Nuú-Hiviens entonnaient