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récoltes, on pouvait, sans l’irriter, mêler à la tristesse rigoureuse cette joie des sens agréée par lui en guise des plus riches offrandes : on pouvait s’éjouir sans scrupules. Et Térii prenait pitié de ses frères dans les autres îles, qui, de ce double rite, se réservaient les seules douleurs.

Il attendait ces fêtes avec hâte, se flattant d’y obtenir enfin, par son impeccable diction, le rang quatrième entre les haèré-po — ce rang que distingue le tatu de l’épaule : car il négligeait maintenant, comme inutiles à sa mémoire assurée, les faisceaux, les baguettes, et les tresses que l’on accorde aux nouveaux récitants. Parfois, malgré l’incantation, des craintes indécises le harcelaient, comme des moustiques importuns. Voici qui l’irritait par-dessus tout : le maraè de Papara n’était point, cette saison-là, désigné pour l’assemblée. Les prêtres d’Atahuru s’étant faussement prévalus d’une majesté plus grande, Pomaré, dont ils étaient le meilleur appui, n’avait pu les récuser. Mauvais présage, et nouveaux sortilèges ! Térii n’entrevit donc pas sans inquiétude levéa-des-fêtes, envoyé par l’Arii vers le cercle de l’île, passer en proclamant aux chefs, aux possesseurs de terres, aux manants, la célébration, sur la rive Atahuru, des adieux solennels aux esprits.

Ceint du maro jaune, l’annonciateur courait sans trêve. À son approche, on flairait le sol, en tom-