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consolidés à leur base de blocs de corail, avaient tenu ferme autant que des poteaux d’offrandes, et les palissades de planches habilement ajustées demeuraient impénétrables. Pomaré le fils en avait laissé l’usage aux nouveaux arrivants.

Les hommes blêmes s’empressaient autour de cette bâtisse. Ils descendaient en grand nombre du navire, débarquant des outils de fer brillant qui façonnent le bois comme une mâchoire écorce le uru ; ces haches effilées dont le tranchant vient à bout des plus gros arbres ; ces clous jaunes qui unissent, mieux que des tresses napé, les bordages de pahi. Térii s’étonnait que l’on confiât à des serviteurs d’aussi précieux instruments. Mais il s’indignait à voir ces serviteurs charger des fardeaux sur leurs têtes — et la tête est sacrée ! Quel mépris de soi-même nourrissaient-ils, ces hommes bas, pour s’infliger une aussi grave insulte !

Incessamment, les petites pirogues rondes et creuses, par où les étrangers atterrissent, retournaient au navire et s’emplissaient encore. Sans bruit ni confusion, avec des gestes adroits, chacun venait prendre, aux flancs du grand faré, sa part de travail : et chacun travaillait ! Autour d’eux, les serrant de près, les riverains considéraient avec étonnement ces gens blêmes, qui, depuis douze journées, persistaient dans leur œuvre.

— « Douze journées ! » Térii, incrédule, regarda l’interlocuteur. C’était un possesseur de terres, de