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de Tané — Hiro avait dû franchir, par neuf fois, les voûtes du ciel, et traverser les neuf firmaments. Tout cela, Tuti n’aurait pu, même à travers le gros bambou jaune, l’entrevoir. Car son œil ne perçait point le premier ciel. Il n’est pas bon d’étendre aux espaces supérieurs les petites mesures des hommes qui piétinent les sentiers terrestres !

Térii, se frottant le visage, s’étira. Ayant confié sa pirogue à la femme Tétua, il se mit en route vers Matavaï.

Le sentier longeait d’abord le rivage, tournait vers les terres, ceinturait le flanc d’une colline en cheminant au travers des brousses. Soudain le regard du voyageur surplomba la mer houleuse qui battait le sable : Matavaï s’ouvrit. Un grand navire de couleur sombre, sans balancier, tanguait en tiraillant ses câbles. Des pirogues l’entouraient, serrées comme les poissons dans un banc ; et des gens affairés, en grande multitude, allaient et venaient sans cesse de la rive au bateau. Térii, déconcerté à la vue de ces inquiétantes manœuvres nouvelles, descendit vers la plage, et, défiant, se perdit parmi la foule.

Plus loin que le grand arc de la baie, au lieu même où Tuti, jadis, contemplait les astres, s’élevait un faré construit depuis une centaine de lunaisons, par d’autres étrangers. On le nommait déjà le faré Piritané. Un coup de vent l’avait décoiffé de sa toiture de feuilles ; mais les pieux énormes,