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vite : — « Regarde donc, » lança le diacre, « voilà la course-au-récif » ! Eha ! le spectacle était bon ! Paofaï et Téao ! Les deux impies : l’hérétique et le païen ! — Aüté cligna des paupières, et suspendit ses importunes questions. Iakoba ne cachait point un digne assentiment :

— « Bon cela ! » Car l’un des fugitifs, le plus vieux sans doute, venait de tomber à plat ventre. Une lance lui perça le bras. Il sauta sur les genoux, et, redressé, reprit la fuite. Comme le récif, courbé soudain, venait rejoindre la grande terre, les deux fuyards, plongeant dans la passe, gagnaient avance sur les poursuiveurs. Ceux-ci n’avaient pas franchi dix pas, sur le corail, en traînant leurs pirogues, que les premiers déjà, atterrissaient tout près du diacre avec des gestes éperdus. Leurs bras, en s’agitant, faisaient gicler des gouttes d’eau rougeâtres.

Le diacre les vit, avec un grand ennui, s’approcher de sa personne. Il recula vivement afin que son maro noir — il le vêtait pour la seconde fois — ne fût point souillé par l’approche des coupables. Mais Paofaï bondit sur lui, et très vite, à voix essoufflée — « Cache-nous, Térii, dans ton faré… Tu es prêtre de ces gens-là », il jetait la main vers les autres « dis-leur que la place est tapu… que tu es tapu… que nous le sommes… dis-leur… comme j’en ai fait pour toi… Je t’ai tiré de dessous les haches… Cache-nous… Reçois-nous… comme tes hôtes… »

Le chrétien s’écartait avec mépris, et une inquié-