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en tournant les pages à l’aventure. Il revit ainsi beaucoup d’histoires étonnantes : comment les fils de Iéhova n’ignoraient point la noble coutume ancienne du Inoa des animaux, puisque l’Éternel disait : « Je redemanderai le sang de vos âmes, je le redemanderai à tout animal » ; ni l’autre usage du Pi, ou des noms changés par tapu… alors, pourquoi donc avoir interdit… Aué ! s’impatientait Iakoba. Rien de tout cela ne répondait à ses doutes : le Livre ne parlait pas. Le Livre ne voulait point parler. On le forcerait : Iakoba se souvint que ses maîtres morts, bien que païens stupides, s’entendaient retourner, à leur guise, les présages récalcitrants. Et il épiait scrupuleusement tous les feuillets, toutes les lignes, jusqu’à découvrir, enfin, avec une joie :

« Comme il était près d’entrer dans la terre Aïphiti[1], il dit à sa femme : voici, je sais que tu es une femme de belle figure. Quand les Aïphiti te verront, ils diront : c’est sa femme ! Et ils me tueront et te laisseront la vie. Dis, je te prie, que tu es ma sœur, afin que je sois bien traité à force de toi… » Qui donc était cet homme ingénieux ? Iakoba vit qu’on le nommait Abérahama, et qu’il avait, parmi les disciples de Iésu, quelque réputation. Ce que cet homme inventa pour sauver sa vie devait être excellent : on ne pouvait hésiter à ruser de même pour la gloire du Seigneur. Et si la Loi interdisait, eh bien ! l’on

  1. Égypte.