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avait déclarées, avec une cérémonie, « épouses légitimes d’un seul homme », veillaient à tous les désirs de cet époux ; afin de se montrer excellentes suivant le Livre. Par-dessus le Baptême, on espérait enfin la communion au Repas du Seigneur, ou Cène. Nul n’avait pu se vanter d’y prendre part, depuis l’offrande sacrilège de cadavres, — voici tant d’années ! (Le vieil Haamanihi l’expiait sans doute durement…) — Or, la Cène promettait davantage de bienfaits. Les baptisés, déçus par le premier rite, reportaient sur l’autre leurs espoirs. Et tout cela, songeait Iakoba, la substitution des peurs, l’empressement des femmes, l’attente de bien d’autres agréments imprécis, tout cela s’ensuivait de la grâce du Seigneur.

Aüté suivait la troupe d’un air las. On le voyait rebelle à l’enthousiasme des chrétiens. Mais qu’importaient les rêvasseries d’un jeune homme si négligeable, puisque si éloigné du parler des gens bien pensants ! S’il entretenait les fétii, durant les veillées, n’était-ce pas toujours de vieilles histoires et de faux-dieux ? Il délaissait le Livre pour ces racontars oubliés. Et quel titre, et quel rang ? son emploi n’était celui que d’un chasseur-de-sauterelles : car il poursuivait toutes les bêtes, les oiseaux à plumes, et les petits oiseaux dont la peau est dure et noire, qu’il nommait insectes. Qu’en faisait-il, et à quoi bon, puisqu’il ne les mangeait même pas ! On le