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qu’il enseigne ; ce qu’il défend. Les rires cesseront autour de toi. Tu seras baptisé, et Membre de l’Église chrétienne. Quel plus beau titre ?

— Bon discours ! » songeait Iakoba. Mais quelle n’était point l’impiété de l’autre pour qu’il s’obstinât à répondre :

— « Lire les signes ? Lire la « Loi » et tous vos parlers d’étrangers ? Hiè ! je dis à vos figures et dans vos oreilles : quand les bêtes changent leurs voix… »

Un grondement de la foule étrangla sa parole, mais il reprit plus fortement :

— « Quand les hommes changent leurs dieux, c’est qu’ils sont plus bêtes que les boucs, plus stupides que les thons sans odorat ! J’ai vu des oiseaux habillés d’écailles ! J’ai vu des poissons vêtus de plumes : je les vois : les voici : les voilà qui s’agitent : ceux-ci que vous appelez « disciples de Iésu ». Ha ! ni poules ! ni thons ! ni bêtes d’aucune sorte ! J’ai dit : Aroha-nui pour la terre de Tahiti, à ma revenue sur elle. Mais où sont les hommes qui la peuplent ? Ceux-ci… Ceux-là… Des hommes Maori ? Je ne les connais plus : ils ont changé de peau. »

Un grand vent de haine s’éleva de l’assemblée, qui, roulant des rumeurs, parfois couvrait le dire impétueux du païen, et d’autres fois, subissait tous Ses reproches :

— « Ils avaient des dieux fétii, des dieux maori, Vêtus de maro, ou bien nus de poitrine, de ventre et de visage ; et tatoués de nobles marques… Ils