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Salomona, et par l’apôtre Paolo ; ils s’indignaient qu’on les accusât : préservés par leurs souffles familiers, ils ne pouvaient commettre la moindre faute : qu’importait la manière dont ils jouaient de leurs corps, puisque leur esprit restait innocent et bon ? — On leur répondit, que, disciples de Téao, ils partageraient le châtiment du maître ; — quant à Paofaï, il cria de lui-même :

— « Je ne suis point avec ceux-là, bien que beaux-parleurs. Mais les dieux qu’ils honorent ne sont pas les miens.

— Quels sont tes dieux ? » demanda Noté, dont la bouche parut mordre dans un ennui. Il se pencha vers le roi : « Un hérésiarque de plus ! »

Paofaï ne répondit pas sans détour :

— « Dis-moi le nom de la terre où je mange.

— Tahiti ! » murmura le juge avec étonnement.

— « Mes dieux sont donc les dieux de Tahiti. Cela n’est-il point éclatant ? Pourrais-je en avoir d’autres ? Si je parle, n’est-ce pas avec ma propre bouche, et pourquoi voler aux autres leurs lèvres et leur souffle ! Quand les bêtes changent leurs voix, c’est qu’elles vont mourir !

— Cela », interrompit Noté, « ne fait pas connaître ta conduite, ni ce que tu prétends être… »

Paofaï se découvrit le torse, et, baissant les paupières, chanta sourdement :

— « Arioï ! Je suis Arioï… » Dans la stupeur im-