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et s’affroidissait ; toute sa peau ridait sur ses membres sans vigueur. Bien que dressant les oreilles, il n’osait plus même écouter…

— « Ha. » Ses entrailles se tordirent : il se ramassa, bondit en arrière : une main froide, aux doigts on eût dit innombrables, avait touché ses cuisses et son ventre, et montait sur sa figure. Une autre main surgit. Deux bras l’étreignirent. Il tomba, roula, renversé sous un corps entier agrippé à son corps : et deux seins durs pesaient sur sa poitrine. Il étouffait, sans espoir d’être vivant, sous l’emprise de cette Femme-des-ténèbres qui s’acharne aux tané vigoureux, les enlace, les épuise. Des jambes le saisirent. Des mains le fouillèrent, avides, violentes. Alors, couru d’un grand sursaut, il tressaillit malgré la crainte, et, tendant les reins par habitude, s’arc-bouta, surmontant l’être équivoque — et brusquement éclata de rire : il tenait un corps de femelle vivante, aux chairs grasses et tièdes, aux flancs onduleux et hâtifs sous les caresses arrachées, sans plus rien du fantôme imaginaire ! Sitôt, la peau sèche encore de peur, il frissonna de plaisir ; il desserra sa gorge anxieuse : pris d’un grand désir haineux il secoua, de tous ses membres, la femme étendue, stupide maintenant, et abandonnée.

Au même instant, tous les bruits chargés d’inquiétude s’éclaircirent pour son oreille avertie. Ces râles et ces gémissements, c’étaient les milliers de voix de la volupté ! Ha ! l’on pouvait respirer à son aise :