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mélangeait sa voix à celle des fous détestables, — il se surprit à murmurer :

— « Je te salue. Maria Paréténia. » Il se réjouit de la divinité nouvelle, et d’être venu.

L’obscurité, moins lourde, ne rassérénait pas encore. Dans une indécise vision s’agitaient des ombres, on eût dit sans forme. Surtout, l’oreille percevait, à travers le grand bruit de prières, des voix mieux affirmées : le bourdonnement des gosiers d’hommes ; les sifflements des filles, des souffles doux, de petits sanglots… — Mais non, le calme ne se pouvait tenir ; Tous ces bruits, divers, multiples et profus, étaient-ils bien haleines de vivants ? — Le chrétien, pour se rassurer, remâchait les dires de ses nouveaux maîtres : les génies-rôdailleurs avaient fui devant le dieu Piritané : on n’avait plus à craindre leurs passades, leurs morsures, leurs maléfices. Néanmoins, Iakoba épiait les moindres frôlements autour de lui : en vérité, les errants sans visages n’auraient pas respiré d’une autre sorte… ils étaient là… à l’effleurer : au ras de terre comme lui, un souffle haletait, anxieux, répété, parfois mélangé à la grande voix de la foule, et parfois s’envolant tout seul. Puis un autre s’éleva dans un autre recoin de la nuit. Puis d’autres au hasard. Malgré son assurance, le chrétien désira qu’une grande lumière, en éclatant à l’improviste, dissipât ces exhalaisons mauvaises, ces voix du sombre sourdant de toutes parts. Son front se mouillait