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Pomaré, avant tout autre, devait recevoir le rite. Non pas que les chefs fussent, aux yeux de Kérito, différents de leurs serviteurs ; — mais l’Arii s’était montré le plus empressé parmi les disciples nouveaux du vrai dieu : il importait de consacrer sa hâte et son rang : car ce qui se fait sur la terre doit être ratifié dans le ciel du Seigneur. Et l’on accommoda la cérémonie au besoin de sa dignité : sans qu’il descendît, comme le peuple, à se plonger dans la rivière, il courba seulement sa noble tête sous la main de Noté le baptiseur. Celui-ci, répandant un peu d’eau, dit fortement les mêmes paroles qu’avaient dites Iésu : « Je te baptise au nom du père, et du fils, et de l’esprit bon. » Puis un autre Missionnaire plus âgé proclama Pomaré « Roi des Îles Tahiti et du Dessous-du-Vent », l’engageant à se montrer « digne toujours de sa haute profession et de l’éminente situation qu’il occupait devant les anges, les hommes et le Seigneur lui-même. » Enfin, il lui donna le nom de « Pomaré-le-deuxième dit le Réformateur. »

Aussitôt, la foule se rua vers l’eau sacrée, et remplit le creux de la rivière d’un autre torrent hâtif et tumultueux. On se trempait jusqu’aux épaules et presque jusqu’aux yeux, pour que le rite fût plus efficace. Les baptisants, sur le bord, allaient de l’un à l’autre : « Reconnaissez-vous Iésu-Kérito pour le seul Sauveur des hommes ? » Les Candidats répondaient sans erreur, recevaient le baptême et s’en ve-