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lumière immortelle les étoiles périssables et changeantes. Sous la claire caresse, le grand maraè dépouillait son vêtement obscur, sortait de l’ombre et se démesurait. La brise nocturne, chargée des parfums terrestres, coulait odorante et froide. Sourdement, le récif hurlait au large. L’île dormait, et la presqu’île, et la mer-enclose du récif. Apaisé par la consolante lumière, Térii reprit sa diction cadencée, ses gestes rituels, sa marche rythmique.

Une ombre, soudain, se dressa devant lui qui tressaillit. — Et que sait-on des êtres ambigus rôdeurs-de-ténèbre ? Reconnaissant Paofaï, chef des récitants, il se tranquillisa.

Vêtu du maro sacerdotal, peint de jaune et poudré de safran, le torse nu pour découvrir le tatu des maîtres-initiés, Paofaï marchait à la manière des incantateurs. Il franchit l’enceinte réservée. Il piétinait le parvis des dieux. Térii l’arrêta :

— « Où vas-tu, toi, maintenant ? »

Le grand-prêtre, sans répondre, continuait sa route. Il disait à voix haute des paroles mesurées :

— « Que les dieux qui se troublent et s’agitent dans les neuf espaces du ciel de Tané, m’entendent, et qu’ils s’apaisent.

» Je sais leur objet de colère : des hommes sont venus, au nouveau-parler. Ils détournent des sacri-