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naires ne pensaient point ainsi, et les Missionnaires, on devait les écouter et les croire. Des gens, comme Térii, avaient, pendant quelques lunaisons fait la sourde oreille : « Eh bien !…

— Eh bien ? »

Samuéla, sans répondre, cria le nom d’un homme qui raclait, à dix pas du faré, une coque sur le sable. L’interpellé tourna la tête et s’approcha. On aperçut une marque ignoble tatouée sur son front :

— « Lui non plus ne voulait rien entendre, » dit simplement Samuéla ; et il ajouta : « d’ailleurs, tu ne pouvais mieux trouver que moi, parmi les fétii de Paré. Voici douze semaines que je suis Professeur de Christianité ; et professeur de premier rang… »

Térii ne répliqua point. Et dès le soir, et durant les veillées qui suivirent, on s’efforça de l’éclairer. Aux longs avis précieux de l’ancien façonneur-de-pirogues, à la « Bonne-Parole » ainsi que l’on disait avec un respect, se mélangeaient d’autres histoires non pas ennuyeuses, où renaissaient toutes les années d’absence. Au début de la nuit, on allumait les graines de nono enfilées sur de petites baguettes, et l’huile, coulant de l’une sur l’autre, pénétrait toute la tige ; la flamme, alors, se prolongeait d’elle-même, comme les beaux récits qui se suivaient, indiscontinument.