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mais, les hommes au nouveau-parler ; il s’étonna de l’importance et du respect donnés à de si piètres compagnons ! Mais il n’osa point questionner encore, non plus qu’il n’osa raconter comment deux hommes, quelque part dans son voyage, avaient annoncé l’atua Kérito. — Pas longtemps : on les avait tués ou chassés. — Il s’arrêta, par dépit.

Près de lui reposaient les jeunes amants que ne troublait plus aucune parole triste. La main d’Eréna berçait les yeux d’Aüté pour ensommeiller toutes les peines. L’étranger murmurait : — « Je suis content, tu n’iras pas au navire…

— Il rêve », dit la fille. Elle sortit doucement du faré.

Ses compagnes l’attendaient au milieu de l’eau Tipaèrui, la mine satisfaite, le corps affraîchi déjà, et toutes empressées au bain de la tombée du jour. Elle-même, frissonnant de plaisir à regarder la froide rivière, dénouait en hâte, sous le cou, les liens de sa tapa. Elle dépouilla de même un second et un troisième vêtement moins ornés mais plus épais : comme il est bon, disent les Missionnaires, d’en revêtir, afin qu’à travers la légère étoffe ne se décèlent point les contours du ventre, ni le va-et-vient des jambes. Un grand paréü blanc et rouge, serré sur les seins, couvrait toute sa personne. Elle en assura l’attache, secoua ses cheveux, s’élança.