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De ceux-là naquit Tériitahia i Marama.

Dormait Tériitahia i Marama avec la femme Tétuaü Méritini du maraè Vaïrao :

De ceux-là naquit… »

Un silence pesa, avec une petite angoisse. Aüé ! que présageait l’oubli du nom ? C’est mauvais signe lorsque les mots se refusent aux hommes que les dieux ont désignés pour être gardiens des mots ! Térii eut peur ; il s’accroupit ; et, adossé à l’enceinte en une posture familière, il songeait.

Sans doute, il avait tressailli de même sorte, une autre nuit, déjà : quand un prêtre subalterne du maraè rival Atahuru s’était répandu, contre lui, en paroles venimeuses. Mais Térii avait rompu le charme par une offrande à Tané qui mange les mauvais sorts, et les maléfices, aussitôt, s’étaient retournés sur le provocateur : le prêtre d’Atahuru se rongeait d’ulcères ; ses jambes gonflaient. — Il est aisé de répondre aux coups si l’on voit le bras d’où ils tombent.

Cette fois, les menaces étaient plus équivoques et nombreuses, et peuplaient, semblait-il, tous les vents environnants. Le mot perdu n’était qu’un présage entre bien d’autres présages que Térii flairait de loin, qu’il décelait, avec une prescience d’inspiré, comme un cochon sacré renifle, avant l’égorgement, la fadeur du charnier où on le traîne. Déjà les vieux malaises familiers se faisaient plus