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sur la hanche gauche, et son rythme lourd traverse les petites lames filles du grand vent régnant.

La houle est un bon guide quand on reconnaît, à l’aube, l’allure à tenir pour la couper toujours de même et garder son chemin.

Ainsi Paofaï. Alors seulement il daigne dormir. Un autre prend en main la pagaie maîtresse qui règle la dérive. Qu’il s’applique à ne pas quitter la route sur les flots fuyants !

Durant des journées pleines, et des nuits, et des jours, et d’autres nuits encore, rien ne change : ni le ciel, ni les eaux, ni le maraámu.

Oro conduit sa grande courbe avec un geste immense et régulier. Mais on n’entend point encore, à sa tombée, la mer crisser en bouillonnant — comme affirment l’avoir entendu les gens de Pora-Pora, la plus avancée des terres hautes. Et le dévers de ce monde maori ne se révèle pas non plus.

À l’issue d’une nuit, la dixième, Paofaï reconnaît que le long requin mangeur-de-nuages a courbé sa courbe, et qu’il tend son dos vers l’autre flanc du ciel. Il annonce, pour le jour qui vient, une saute dans le vent.

Mais le vent reste régulier, la houle immuable. Le chemin s’élonge, égal, paisible, indéfini.