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Alors on s’en va par dedans la nuit, un toit nouveau dessus la tête et plus rien autour de soi.

Deux journées de jour : devant le nez de la pirogue des nuages montent, mais ceux-là ne naviguent pas au firmament : ils sont trois : ce sont les trois îles hautes. Les pilotes : dressez la route ! Et l’on court sur le récif.

Elle nage sur des eaux assérénées, la terre des atua et des hommes sages : Raïatéa, ciel-de-clarté, en face de Tahaa jumelle. Le même corail les contient ; et, comme deux fétii n’ont qu’un seul bol pour boire, elles boivent au même lagon.

Déjà tu vois le Tapioï de Raïatéa : cours sur lui, — c’est le poteau sacré du monde. — Pour cela dévie, d’un coup de pagaie maîtresse, ta route, de la route du vent. Alors il viendra vers toi, ce mont tapu qui soutient, plus haut que les nues, le Rohutu Délicieux. Mais n’espère point découvrir le lieu des esprits : la lumière passe sur la crête : les esprits, s’il en est là-haut, transparaissent comme le vent.

— « Où vas-tu, toi, maintenant ? Je sais. Tu vas à Opoa. Tu vas voir le prêtre… » Ainsi parle vers Térii, marchant au hasard, un homme qu’il ne connaît pas.

Cet homme a dit « Opoa ». N’est-ce pas un signe qu’il l’ait dit ! Térii se met en chemin. À la tombée du soleil il touche, de son pied, la terre dix fois sacrée.

Elle est nue, rocailleuse, déserte. Les hommes