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impur et profanateur, vienne souiller un festin de sa présence obscène ! Tu les repousses de ton navire quand elles dansent pendant le jour de ton seigneur, et tu permettrais…

— Vos femmes et vos filles », répondit Noté, « sont comme vous-mêmes enfants de Kérito. Elles auront droit, comme vous, dans quelques lunaisons, à partager le rite. » Haamanihi, stupéfait, laissa revenir les femmes.

— « Mais, où sont tes offrandes, enfin ! » reprit-il, en considérant les apprêts de la fête. Il savait la coutume des étrangers : d’élever, au-dessus du sol, les aliments qu’ils avalent ensuite par très petits morceaux. Or, ces tréteaux et ces bois que Noté appelait une « table pour la nourriture », se montraient dépourvus, jusque-là, de toutes victuailles, — ou si peu chargés ! Voilà qui décevrait fâcheusement les affamés d’Atahuru dont les troupes équivoques, toujours en quête de festins solennels, surveillaient l’issue du sacrifice pour s’en disputer les vestiges, et mesuraient, par avance, la ripaille à venir : les dieux nouveaux semblaient gens d’importance, — à considérer les gros bateaux de leurs disciples, et les armes : le festin offert en leur nom, par ces disciples mêmes, il s’imposait qu’il fût plantureux.

— « Voici le repas préparé », dit Noté. Haamanihi ne vit point autre chose que des fruits de uru[1],

  1. Arbre-à pain.