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la terre humide, comme les reins se dressaient, ayant dompté la dernière colline, le lac, à travers un treillis de feuillées apparut, immuable, silencieux et froid.

Térii choisit sur le bord un monticule isolé. Il avait dépouillé toute fatigue et toute peur. Les paroles prestigieuses bourdonnaient en sa tête. Il dit, comme avait dit Téaé :

« Creusez dans la terre un trou pour planter un grand arbre… »

On se hâta : il descendit en invoquant Té Fatu, le maître, avec des parlers suppliants. Il se tenait immobile, bras levés, jambes droites. Ses compagnons s’écartèrent, afin de ne point mettre obstacle au labeur divin ; aussi pour n’être pas frôlés dans le sombre par les esprits rôdeurs. Comme le prodige pouvait tarder et que la pluie est incessante sur le lac, ils s’empressèrent d’élever des abris, les dressant à l’encontre du vent qui s’épand de la vallée Papénoo ; et ils attendaient, pleins de foi. Peu à peu, la fatigue les gagna. Le sommeil vint.

Térii veillait, enfoui jusqu’aux genoux dans la terre. Il espérait de toute son ardeur ; il se crispait sur le souvenir du vieux Téaé ; il s’inquiétait : en quel arbre, ou bien en quel être allait-il se changer ? Les entrailles lourdes, il épiait le durcissement de