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À ce titre, il serait ingénieux de considérer l’intrusion de la science, en son œuvre, comme un merveilleux d’un nouveau genre, le merveilleux scientifique, et de ne pas tenir autre compte de ses velléités d’expérimentateur.

M. Hector Malot, en revanche, ne peut invoquer aucun alibi littéraire, ni tenter d’excuser la faiblesse de ses conceptions scientifiques en se retranchant derrière des qualités d’écrivain qui ne s’imposent réellement pas. Comme Zola, il fut tenté par la richesse de l’érudition médicale. Mais alors que Zola y abondait en sincère et truculent artiste, M. Malot s’en réclamait comme d’un moyen de commerce fructueux. Il n’en évita, dès lors, aucun des écueils : et d’abord le danger de voir ses écrits vieillir en même temps que les formes dont ils procédaient :

« Dans le roman En famille, disait-il un peu amèrement au Dr Cabanès[1], j’ai eu à guérir un aveugle ; j’ai lu l’article qui se rapportait à la maladie que je voulais traiter dans le Dictionnaire de Jaccoud. Je fais lire ce passage au Dr Aviragnet, qui est un de mes amis, un garçon distingué autant qu’aimable. Aviragnet se récuse et m’engage à recourir à un spécialiste. Or le spécialiste a trouvé que mon récit fourmillait d’erreurs. Eh bien, savez-vous quel était l’auteur de l’étude qui m’avait servi de modèle ? Le professeur Panas, un maître en ophtalmologie : que voulez-vous ? La science avait marché depuis » !

Second écueil : l’allure aisément pédante. Le Mari de Charlotte, entre quantité d’autres manuels, pourrait servir d’encyclopédie médicale[2]. L’auteur « y paye d’abord un tribut aux sciences accessoires, commence par la géographie physique et la climatologie ». Très érudit en botanique, il expose les particularités de « végétation de l’Arundinaria falcata, du Cordylene indivisa, de l’Helichrysum orientale ». Il semble suivre, avec le

  1. Chronique médicale, 15 octobre 1896, p. 616.
  2. V. Chronique médicale, ib., p. 620 à 627.