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l’abbé Mouret, quelles recherches parmi les mystiques Espagnols, quel emploi quotidien du Cérémonial des paroisses de campagne, quelle étude de la messe dans des ouvrages en latin, que j’avais eu toutes les peines du monde à me procurer !… »

Et la liste continue ; nous l’abrégerons pour ne signaler que les références médicales. L’une des plus efficaces fut pour M. Zola l’intimité de M. le Dr  Maurice de Fleury. « Aussi quel soulagement — ajoute-t-il avec un soupir qui remercie —, lorsque je pus clore la série[1], par le Docteur Pascal, pour lequel mon bon ami, le Dr  Maurice de Fleury, m’a bâti de toutes pièces le rêve de haute conception médicale que je désirais y mettre ![2]. Avec lui — dit-il encore au Dr  Cabanès —, je suis allé trouver, rue de Charonne, un aliéniste distingué, le Dr  Motet — est-ce bien ce nom-là ? — qui nous a assuré que le cas de tante Dide était tout au moins vraisemblable. Sans doute, j’ai outré un peu les choses, mais comme je ne visais qu’à la ressemblance, qu’à l’effet dramatique, cela me suffisait » [sic][3].

Cela suffisait donc à M. Zola. Cette simple affirmation ne le justifie pas. Sans doute, en ses transcriptions médico-littéraires et en particulier dans l’observation citée plus haut, il a fait œuvre habile et cohérente. Nous le reconnaissons volontiers. Il a très artistement traduit son modèle clinique. Sa peinture est copie, un peu grosse sans doute, mais honorable et de suffisante tenue scientifique. C’est qu’elle n’embrasse que des faits, ne côtoie aucune explication et surtout ne comporte aucune tentative expérimentale !

Car ce fut la double erreur de M. Zola, que de vouloir expliquer, et même expérimenter : erreur scientifique, erreur littéraire. Un écrivain est maître des Faits. Mais souvent la Théorie lui échappe ; soit qu’elle lui reste inassimilée, soit qu’elle demeure vraiment réfractaire à toute tentative artistique.

Dans l’exemple suivant, c’est la première hypothèse que nous

  1. Des Rougon-Macquart.
  2. Émile Zola, Nouvelle Campagne.
  3. Chronique médicale, 15 nov. 1895, p. 674 à 680.