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« Oui, j’ai lu pas mal de livres d’anatomie artistique modernes et anciens, entre autres les Études d’anatomie de Charles Bonnet et pour la maladie de cœur de Renée Mauperin, mon frère et moi avions pris des notes dans tous les livres de spécialistes sur les maladies de ces organes »[1].

Et c’est tout. Pudeur d’artiste, peut-être, n’aimant pas à étaler ses outils, mais surtout emploi restreint chez lui de ladite méthode. Ce cas nous semble encore celui de Huysmans, observateur merveilleux et analyste étonnant. Symboliquement, mais avec quelle justesse, Rémy de Gourmont proclame en son « Livre des masques » : « Huysmans est un œil ». Nous ajouterions : un œil armé d’un microscope. Lorsqu’on possède une telle acuité personnelle, il serait — pour tout ce qui est susceptible d’observation directe — injustifiable de s’adresser à la vision des autres, aussi l’observation médiate est-elle en son œuvre aiguë d’emploi très limité.

Les crises de tabès, d’une parfaite orthodoxie clinique, décrites dans « En rade », ne sont pas peintures d’atelier, mais études sur le vif, nous assura très obligeamment M. Huysmans.

« À rebours », avons-nous dit, relève avant tout d’un point de départ auto-neurasthénique, mais les documents relatifs à la grande lèpre[2], en ses apparitions médiévales et ses manifestations actuelles lui furent indirectement fournies par un religieux bénédictin que son titre profane de docteur en médecine rendait apte à le documenter.

Le saut est brusque, nous l’avouons, du scrupuleux clinicien d’À rebours au pimpant conteur de Flamboche. Mais l’absence de transition en est parfois la meilleure. Et nous ne chercherons même pas notre excuse dans l’identité des sujets traités. Car Richepin lui aussi voulut décrire des lésions lépreuses[3].

    bibliographique de cet épisode, il fut signalé au célèbre écrivain par le Dr Liouville qui lui même l’avait découvert dans une note déjà très ancienne de la Gazette des Hôpitaux. Chronique médicale, 1er août 1896, p. 459.

  1. Chronique médicale, 1er août 1896, p. 454. L’autographe est daté d’avril 1896.
  2. Sainte Lidivine de Schiedam.
  3. Richepin, « fils d’un médecin militaire des plus distingués, avait eu lui-même