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pas débouché, il n’y avait pas de flacon dans la pièce ; il passa dans son cabinet de travail, dans sa salle à manger, l’odeur persista ». Puis, à la suite de la symphonie olfactive, « à nouveau la frangipane dont son odorat avait perçu les éléments… assaillit ses narines excédées, ébranlant encore ses nerfs rompus… »

Perversions du goût : Il a le désir d’une « immonde tartine » mâchée par un « sordide gamin ». Il lui semble « que son estomac, qui se refusait à toute nourriture, digérerait cet affreux mets et que son palais s’en réjouirait comme d’un régal ».

Céphalée caractéristique : « … la sensation qu’un étau lui comprimait les tempes ».

Douleurs névralgiques « qui lui coupaient en deux la face, frappaient à coups continus les tempes, aiguillaient les paupières, provoquaient des nausées qu’il ne pouvait combattre qu’en s’étendant sur le dos, dans l’ombre ».

Symptômes digestifs. — « Les défaillances de son estomac ne lui permettaient plus d’absorber des mets variés et lourds ».

Les douleurs « allaient au ventre ballonné, dur, aux entrailles traversées d’un fer rouge, aux efforts inutiles et pressants… enfin l’appétit cessa, des aigreurs gazeuses et chaudes, des feux secs lui parcoururent l’estomac ; il gonflait, étouffait, ne pouvait plus, après chaque tentative de repas, supporter une culotte boutonnée, un gilet serré ». Nausées fréquentes.

Symptômes respiratoires. — Essoufflement rapide, une « toux nerveuse, déchirante, aride, commençant juste à telle heure, durant un nombre de minutes toujours égal, le réveilla, l’étrangla au lit ».

Marche, traitement. — La marche de la névrose n’est pas régulièrement progressive. « Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises ».

La liste est longue, des traitements suivis : hydrothérapie, suppression des alcools, du café et du thé, régime lacté, promenades et exercice, assa fœtida, valériane et quinine, sans compter l’emploi d’une thérapeutique morale où « il essaya des lectures émollientes, tenta, en vue de se réfrigérer le cerveau, des solanées de l’art, lut ces livres si charmants pour les convalescents et les mal à l’aise… les romans de Dickens ». Il lui arrive enfin de se réveiller « tout valide, un beau matin ».